territoire(s)


d’une étendue
on la croirait limitée et contenue
souvenirs précis de lieux paroles et gens
lui assis
dans un fauteuil de cuir
elle debout
à la fenêtre huit carrés de verre
le même regard
perdus
à l’horizon du temps

à l’arrière plan
le sentiment aigu de sa propre différence
son point culminant
en chacun sa place vide
un poème sur la page
lieu d’y revenir
une distance irréparable
la distance juste abolie
une distance énigmatique
notre reflet qui nous fait signe

J’INVENTE DES VOYAGES POUR REVENIR VERS TOI

territoire aux souvenirs épars
mémoires
je croyais avoir tout oublié elle œuvrait pour
qui changeait
chaque fois qu’elle voulait remonter le temps
un fait un détail vainement
tes paroles tes cris peut-être une tendresse
et mes larmes
genoux à l’air dans
l’orange gs

J’INVENTE DES VOYAGES POUR REVENIR SANS CESSE

la gomme sous le fer usant l’asphalte brûlant les gaz
juste un trait
un départ
corps attendu comme
un rêve immense que la nuit ne peut contenir et priver du jour
territoire

dans l’image la promesse
la langue d’avant la chute
l’avoir oublié
de nouveau parole à dire
le vrai sa sphère d’expansion
seul centre
l’étendue tout court
sa métamorphose

J’INVENTE DES VOYAGES POUR REVENIR INFINIMENT
_
mes mains tremblent aujourd’hui
comme un étranger de retour
mes paupières tremblent aussi
trop lourdes
regard perdu
loin

oui
je suis là-bas

le désir
j’en entends les bruits sourds
multiples ruisseaux
rouges
et noirs
la conquête
sans nous en rendre compte
surface nue
j’ai hâte de tout
ici et là et ici aussi

J’INVENTE DES VOYAGES POUR REVENIR VERS TOI
_
ce n’est rien à peine on le voit juste l’effleure le frôle le caresse du regard
_
qu’est-ce qui tant tend et retient

ailleurs ou alentour
ayant seulement changé de
place
l’art pour
chemin
nul n’échappe
à ce retour sur soi
la voix suppose quelque chose
à entendre
à travers

J’INVENTE DES VOYAGES POUR REVENIR SANS FIN
_
à même la terre
tel un corps col insurmontable
mots perchés haut
sur la route les maisons
je me souviens des fenêtres où la lumière bleutée parlait des images diffusées par des écrans allumés
qui disparaissent que remplacent quelques mots liés extraits de nulle part je me souviens
vraiment
dépendant de toi me taire
emprise empreinte empoignant l’étreinte
territoire

le visage
des frontières
que l’on défend
nulle part et partout
un
espoir de nous égarer en chemin
peut-être
en cherchant
l’espace
qui appelle l’autre

J’INVENTE DES VOYAGES POUR REVENIR VERS TOI
_
regard-mémoire
image-mouvement

reviens vers moi
reviens-moi
reviens

autant

on avait à peine découvert ce qui de soi ne pouvait au premier regard se voir
on commençait à peine à se parler
alors comment faire de soi l’économie
nos mots se mêlant formant des phrases qu’on n’avait à peine encore prononcées
et la ville de défiler
façades et devantures hommes et voitures
au loin comme une nappe blanche en relief
le port la grâce les tours
annonçant plus loin encore qui finissent dans la mer
les montagnes
que plus tard on allait longer

J’INVENTE DES VOYAGES POUR REVENIR VERS TOI

on avait à peine commencé à se dire
à peine à voyager
et les choses du territoire ici aussi de se mêler
formant au-delà d’elles-mêmes un autre paysage
qui restera effleuré
caressé du regard
comme on entend sans écouter la mémoire imprimée
impression
relief que la lumière en soi fait vibrer

phrase
elle s’articule
sous formes de
limites
fictions
pour rien au monde
à la ligne des mots
je peux entendre
l’émotion qui les porte
du même coup
cultiver la terre
l’âme et le corps

J’INVENTE DES VOYAGES POUR REVENIR T’AIMER

on avait posé près de nous nos sacs
on avait déplié le plan de la ville étoilée
et de dire le besoin d’une carte globale pour se repérer
en toi
en soi
en moi
pointant ici et là
la main sur le papier
comprenez
où on devait aller

on avait en commun cette idée de ne rien rater
de ce qui ici devait nous arriver
on avait en commun de découvrir la ville en se projetant
sans plan sans vue sans but sans idée préconçue
on avait en commun l’idée que la ville serait où que l’on soit en elle
en nous
territoire

J’INVENTE DES VOYAGES POUR REVENIR VERS ELLE
_
ton mot est long mais pas assez pour parler de ce qui autour s’étend
territoire
dans la main la terre prélevée du sol
où tes pieds reposent
dans la main la matière comme un corps remonté
à la surface des choses
tu la refermes serres comprimes l’air
respires
volutes

je n’ai que toi
que toi depuis toujours

tellement aussi
le manque
notre prochaine rencontre
l’absence
un éphémère regard
je ferme les yeux pour te revoir
territoire
sans savoir combien de temps l’attente durera
combien de temps il me faudra

J’INVENTE DES VOYAGES POUR REVENIR VERS TOI

territoire
le retiens
s’étend s’étale et s’étire
dépend dédale
et respires
_
l’or est précieux dans tes yeux

J’INVENTE DES VOYAGES POUR REVENIR VERS EUX
_
l’horizon et la ville pour seules issues
ici autour de moi tout le monde se salue
de la ville une miniature
un extrait
mon monde comme le tien tient dans la main
territoire

J’INVENTE DES VOYAGES POUR REVENIR TE VOIR
_
une rue au hasard
des oranges sur un étal
des hommes gris des types aux cheveux rasés
la lumière dans leurs yeux
étreinte éteinte
il y avait ceux en bas des escaliers qui pianotaient sur des téléphones
il y avait ceux qui seulement appuyés contre une devanture attendaient qu’ils sonnent

de la langue
parcourir inlassablement
le labyrinthe
elle est arrêtée
cette pensée tenue secrète
le dernier et le seul lieu
qu’il ne m’est pas donné d’inventer
l’amour
ce n’est pas là

J’INVENTE DES VOYAGES POUR REVENIR VERS EUX
_
allez bats le fer
tire la lame
les paupières
blanche de l’arme
tire à moi tire
moi
dessus
flanche
territoire
ta terre étendue
ta chair éperdue
ton sang trop fier
confrontation et plaire
je plie vallons corps et larmes
me perds
territoire

reviens-moi

tes mots comme des doutes comme des liens comme des chaînes
tes mains tendues me maintenant étendu
tes cris sur le papier carte dépliée
des emprunts des embruns la raison et puiser

J’INVENTE DES VOYAGES POUR M’ESSOUFFLER

parcourir le fil
se perdre pour enfin
trouver
tes gris tes noirs tes blancs encadrés
tout à retenir si peux si prêt
tes jaunes tes bleus tes rouges traits
_
le monde entier s’est effacé
je l’ai vu disparaître
nuée
la nuit était tombée peu avant que le jour ne se lève
miroir
jour retourné
ciel argenté
nos étoiles à taire
muer

J’INVENTE DES VOYAGES POUR REVENIR VERS TOI

éclosion naissance parfaite
j’ai vu les gens dans le port tomber
j’ai vu la roue se mettre en fête
j’ai vu le monde disparaître

puis recommencer
_
territoire
qui sait tant
du voyage ne rien voir
temps
parcours trop long
tu dis
tout était beau et l’attente nécessaire
absente

par exemple
plutôt que
à l’infini l’horizon
du puissant
hasard
dans la langue même
on n’explique pas
la substance
qui transforme tous les corps
surgissant du néant

J’INVENTE DES VOYAGES POUR REVENIR ENCORE
_
tu dis
tu ne me connais pas
le répètes
à tue-tête
m’entête
territoire
tu dis je suis comme ci comme ça tu dis
faite

quelle place
ne nous figeons pas sur ce mot
un fil qui court
assemblé des morceaux
de toutes les aventures
cette matière intouchable
sur le champ de bataille

J’INVENTE DES VOYAGES POUR REVENIR DEMAIN
_
un miroir
territoire
qu’importe les fleuves le nom des villes le lieu-dit où tu vis
territoire
qu’importe le néant
territoire
qu’importe la nuée le non que tu répètes
qu’importe les sources
les corps
la place de l’église
et
la périphérie où
tu meurs
territoire

pas une fuite _fuite
penser que je t’avais oubliée
qu’importe la faiblesse et l’heure
qu’importe l’étendue le mensonge
qu’importe

territoire

J’INVENTE DES VOYAGES POUR REVENIR SUR LE CHAMP

territoire


(ce texte écrit en plusieurs calques (et encore et encore) successifs (et encore et encore) cite sans que cela ne soit précisé d’autres mots que les miens)

ce texte a été lu le samedi 5 avril lors du vernissage de l’exposition territoires des possibles de mathilde roux médiathèque marguerite audoux _10 rue portefoin 75003 paris
soirée rencontres-lectures avec virginie gautier / pierre ménard / isabelle pariente-butterlin

merci à mathilde roux



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écrit ou proposé par : Emmanuel Delabranche
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1ère mise en ligne et dernière modification le 1er octobre 2017.